Le fatum du philosophe
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Texte
1. Cicéron,
De divitatione, 1, 55
[1,55]
Fatum autem id appello, quod Graeci g-eimarmenehn, id est ordinem
seriemque causarum, cum causae causa nexa rem ex se gignat. Ea est ex
omni aeternitate fluens ueritas sempiterna.
J'entends
par destin ("fatum") ce que les Grecs appellent g-heimarmeneh
c'est-à-dire l'ordre et la suite des causes, qui s'enchaînent
de façon à produire tel effet déterminé, la
vérité éternelle réglant le cours des événements
qui découlent les uns des autres
. Texte
2. Cicéron,
De divitatione, 2, 8
[2,8]
Si omnia fato, quid mihi diuinatio prodest? Quod enim is qui diuinat
praedicit, id uero futurum est, ut ne illud quidem sciam quale sit, quod
Deiotarum, necessarium nostrum, ex itinere aquila reuocauit; qui nisi
reuertisset, in eo conclaui ei cubandum fuisset, quod proxuma nocte corruit;
ruina igitur oppressus esset. At id neque, si fatum fuerat, effugisset
nec, si non fuerat, in eum casum incidisset. Quid ergo adiuuat diuinatio,
aut quid est quod me moneant aut sortes aut exta aut ulla praedictio?
Si
tout arrive en vertu d'un destin arrêté, de quelle utilité
la divination peut-elle être pour moi? Ce que prédit le devin
doit arriver, si bien que je ne sais comment comprendre l'histoire de
notre ami Déjotarus qu'un aigle a rappelé de son voyage.
S'il n'était pas revenu, il eût nécessairement couché
dans la chambre qui s'écroula la nuit suivante et c'était
l'écrasement inévitable. Mais si tel était le destin,
il ne pouvait y échapper; si ce destin n'était pas arrêté,
il ne devait pas arriver malheur à Déjotarus. A quoi donc
la divination sert-elle? Que signifient ces avertissements donnés
par les entrailles, les sorts ou tout autre présage?
Texte
3. Cicéron,
De divitatione, 2, 10
[2,10]
- {Qui} cum res tristissumas portendi dixerint, addunt ad extremum omnia
leuius casura rebus diuinis procuratisi. Si enim nihil fit extra fatum,
nihil leuari re diuina potest. Hoc sentit Homerus, cum querentem Iouem
inducit, quod Sarpedonem filium a morte contra fatum eripere non
posset. Hoc idem significat Graecus ille in eam sententiam uersus: "quod
fore paratum est, id summum exsuperat Iouem". Totum omnino fatum
etiam Atellanio uersu iure mihi esse inrisum uidetur ; sed in rebus
tam seueris non est iocandi locus.
Quand les
devins ont déclaré que les présages annonçaient
les pires catastrophes, ils ajoutent pour finir que par l'accomplissement
rituel d'actes de piété envers les dieux il est possible
d'atténuer le mal. Si rien n'arrive contrairement au destin, les
pratiques religieuses ne peuvent rien alléger. Homère l'a
bien compris : il nous montre Jupiter se plaignant de ne pouvoir contre
l'arrêt du destin soustraire à la mort son fils Sarpédon.
C'est aussi l'idée qu'exprime ce vers grec : "ce qu'il est
décidé qui sera, le grand Jupiter est impuissant à
l'empêcher."
Texte
4. Sénèque,
Questions naturelles, 2, 35
[2,35,2]
Fata aliter ius suum peragunt nec ulla commouentur prece. Non misericordia
flectuntur non gratia. Seruant cursum irreuocabilem: ingressa ex destinato
fluunt. Quemadmodum rapidorum aqua torrentium in se non recurrit, nec
moratur quidem, quia priorem superueniens praecipitat, sic ordinem fati
rerum aeterna series rotat, cuius haec prima lex est, stare decreto.
Le
destin ne se conduit pas suivant nos idées ; nulle prière
ne le touche ; il est insensible aux égards et à la pitié
; il suit son cours irrévocable, et exécute ses arrêts
tels qu'il les a rendus : torrent rapide qui jamais ne remonte vers sa
source, qui ne s'arrête jamais, dont chaque flot est poussé
par le flot qui le suit ; une rotation éternelle emporte tous les
événements. La première loi du destin est l'immutabilité.
Le fatum et les poètes
Texte
1. Virgile,
Enéide, livre VIII, 333-336
Me pulsum
patria pelagique extrema sequentem
Fortuna omnipotens et ineluctabile fatum
his posuere locis matrisque egere tremenda
Carmentis nymphae monita et deus auctor Apollo
Quant
à moi, chassé de ma patrie, je cherchais à atteindre
l'extrémité des mers, quand la toute puissante Fortune et
l'inéluctable destin me firent aborder en ces lieux : je suivais
les oracles redoutables de ma mère, la Nymphe Carmenta, et de son
maître, le dieu Apollon
Texte
2. Virgile,
Géorgiques, livre 2, 490
Felix
qui potuit rerum cognoscere causas
atque metus omnis et inexorabile fatum
subiecit pedibus strepitumque Acherontis auari:
fortunatus et ille deos qui nouit agrestis
Panaque Siluanumque senem Nymphasque sorores.
Heureux
qui a pu connaître les causes des choses et qui a mis sous ses pieds
toutes les craintes, et l'inexorable destin, et le bruit de l'avare Achéron!
Mais fortuné aussi celui qui connaît les dieux champêtres,
et Pan, et le vieux Silvain, et les Nymphes soeurs!
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