Comme le souligne André GIORDAN (3) l'activité fondée sur la seule action reste le plus souvent stérile si elle est une fin en soi : " le faire pour faire " ne permet pas d'apprendre. Il convient donc de se rapprocher au maximum de situations réelles et des problèmes, des obstacles qu'elles comportent. Dans ce contexte, apprendre c'est :
- Se questionner,
- Se confronter à la réalité,
- Se confronter aux autres,
- Argumenter,
- Mettre en réseau.
Michel HUBER et Alain DALONGEVILLE (4) définissent quelques étapes clés pour la construction d'une situation-problème :
1 - Cerner l'objectif cognitif de l'activité en fonctions des noyaux durs de la discipline :
Encore faut-il que l'enseignant soit au clair sur les notions ou concepts qu'il souhaite aborder. C'est la première tâche à effectuer avant de mettre en place une situation problème. Il ne s'agit pas de sélectionner à partir d'une thématique générale une série de " bonnes questions " ou des problématiques susceptibles d'intéresser les élèves tout en développant chez eux certaines compétences par une exploration de ces problématiques. Il est nécessaire d'isoler quelques connaissances ou concepts et repérer ce qui peut faire obstacle à la compréhension du phénomène observé ; c'est cet obstacle qu'il faut correctement identifier. Il est souvent utile de le situer par rapport à l'histoire de ces savoirs et les ruptures épistémologiques qui s'y rattachent. Cette étude préliminaire permet de lister les paradoxes, les options différentes possibles, les faits qui surprennent, les sujets qui impliquent fortement les élèves. Elle permet également de réunir une base documentaire suffisamment large et pertinente pour que chacun puisse aborder le problème dans sa complexité.
2 - Identifier les représentations majoritaires du contenu chez le public visé :
Concernant des élèves de collège, et avec un peu de pratique professionnelle, ces représentations sont prévisibles même si, parfois, les adultes que nous sommes peuvent être surpris par l'interprétation que font les élèves d'un même fait observé.
3 - Formuler la situation-problème de façon à prendre le contre-pied de ces représentations majoritaires et susciter des conflits cognitifs, moteurs de la motivation :
Il s'agit de proposer une formule qui gène, une idée ou un texte qui interpelle, un résultat d'expérience qui ne paraît pas logique, un problème qui paraît impossible à réaliser, deux éléments contradictoires en apparence… Tout en n'hésitant pas à être provocateur dans la formulation du problème, le professeur va cultiver le paradoxe pour forcer l'élève à interroger ses connaissances sur le sujet proposé et les confronter à celles de ses pairs au cours de la tâche prescrite.
4 - Trouver les documents susceptibles de nourrir la situation -problème et qui permettront la construction de représentations plus pertinentes :
Cette base documentaire ne doit pas comporter de réponse directe au problème posé mais plutôt des éléments sur lesquels les élèves peuvent s'appuyer dans une démarche de recherche. Les textes et documents choisis seront adaptés au niveau du public visé. L'accès au multimédia sera facilité, le but n'étant pas d'aller chercher des " renseignements " sur Internet mais de consulter des ressources ciblées par le professeur, questionner les évidences, confronter les points de vue pour émettre des hypothèses et les vérifier.
5 - Adapter le choix des documents au mode de gestion pédagogique choisi :
Il existe plusieurs modes de gestion pédagogique pour une situation problème :
- Le cours magistral en situation : le cours magistral est précédé d'une situation-problème qui interpelle les représentations des élèves sur le concept abordé. Le professeur construit ensuite son intervention sur les conjectures énoncées.
- La situation-problème associée au travail autonome : chaque élève est confronté individuellement à la situation-problème à laquelle il tente de répondre par écrit, sans aide. Ce qui permet une émergence de représentations initiales. Ces travaux sont affichés et commentés. Puis par petits groupes, les élèves recherchent une réponse plus complète en utilisant les documents mis à leur disposition et présentent cette réponse sur une affiche. Les affiches sont commentées et analysées. L'intervention du professeur peut prendre plusieurs formes : cours, structuration, montage de documents.
- Le débat de preuve : il s'agit d'exploiter au maximum un conflit socio-cognitif introduit par une idée qui interpelle, deux éléments contradictoires qui obligent chacun à se positionner et construire une argumentation.
- La séance de conceptualisation : c'est une suite cohérente de situations-problèmes dans un champ conceptuel identique qui s'articulent les unes avec les autres. Leur résolution se fait par petits groupes de travail et mobilisent des moyens d'expression différents (rapports écrits, croquis et/ou schémas, documents numériques…) pour une communication devant la classe. Lors de cette communication, chacun s'approprie progressivement le concept visé.
- L'atelier d'écriture : une situation visant un déblocage de l'imaginaire est suivie d'une phase de recherche individuelle, puis d'une production écrite. Des phases d'échanges et d'analyse ponctuent l'atelier. Des contraintes d'écriture vont favoriser une progression significative de la maîtrise de l'expression écrite.
- Le jeu de simulation (ou de formation) : confrontés à des situation-problèmes données au départ du jeu (imposées ou dues au hasard), les participants vont devoir prendre des initiatives individuelles ou collectives, faire des choix pertinents pour maîtriser des situations évolutives et/ou imprévues.
Dans le groupe de formateurs de l'académie d'Orléans-Tours, nous avons essentiellement travaillé sur les modalités 2 et 3.
(3) GIORDAN André, " Apprendre ! ", éd. Débats Belin, 2000
(4) HUBER Michel, DALONGEVILLE Alain, se former par les situations-problèmes