I- Le contexte pédagogique
Il s'agit d'un projet mené en classe de 5ème en français et en histoire au cours du troisième trimestre. L'idée était de lier ces deux matières pour écrire une nouvelle policière, appelée " Meurtres à Chambord " dont l'action se déroule sous le règne de François Ier. Les élèves ont dû donc utiliser leurs connaissances sur la Renaissance, apprises en cours d'histoire. Pour écrire cette nouvelle, nous avons utilisé le site du collège qui dispose d'un espace rédaction, consultable à cette adresse: www.collegebloisvienne.fr
De plus, le travail a été mené de front dans deux établissements, l'autre classe de 5e écrivant elle aussi une nouvelle policière se déroulant au château de Chambord. Une première rencontre a permis aux deux classes de découvrir le château et de suivre une visite guidée. Puis en fin d'année, ils se sont retrouvés pour raconter sous forme d'énigme la nouvelle: une moitié de la classe a emmené celle de l'autre 5e dans le château et a dévoilé la nouvelle par étapes, après avoir obtenu les bonnes réponses de leurs camarades à des questions portant sur le château et la Renaissance en général.
Dispositif technique nécessaire:
L'écriture de la trame narrative s'est faite en classe puis nous avons occupé durant une dizaine d'heures la salle informatique en réseau avec un accès à internet. Les postes étant au nombre de 12, les élèves ont été répartis en binômes.
Objectifs pédagogiques:
- Approfondir l'étude de la nouvelle (" On privilégie en cinquième le perfectionnement des genres narratifs: le roman et le récit bref dont la nouvelle ", programmes de 5e, textes à lire)
- Ecrire un récit complexe incluant de la narration, de la description et des dialogues ( objectifs en termes d'écriture en 5ème: " la maîtrise de la narration et de la description;leur utilisation conjointe dans un récit incluant également des dialogues")
- Ecrire un texte, à partir de prises de notes dans le château, remanié à plusieurs, en lien avec la Renaissance ( " textes à écrire:
- pour soi, rédaction de ce qu'on retient, écriture et réécriture d'un brouillon;
- pour autrui,récit fictif ayant un rapport avec le Moyen-Age ou la Renaissance ")
- Travailler en interdisciplinarité.
- Favoriser les échanges argumentés entre élèves lors de l'écriture et la correction de la nouvelle.
II- La mise en œuvre
Le travail mené en français et en histoire s'est fait de façon indépendante, sauf lors de l'étape de la rédaction des questions à poser au groupe de l'autre classe.L'écriture de la nouvelle a été menée en quatre étapes:
1) La visite guidée: Tout d'abord, les élèves ont suivi une visite guidée qui leur a permis de s'imprégner du lieu du crime et d'acquérir les premières connaissances nécessaires à l'écriture de la trame narrative.
2) L'écriture du résumé: Ensuite, dans le même temps, le collègue d'histoire a abordé la période historique tandis que les élèves imaginaient en groupe, à deux, par classe entière, le résumé de la nouvelle. En effet, pour éviter que l'intérêt ne retombe trop vite et que les élèves à l'aise à l'oral monopolisent la parole, plusieurs étapes se sont révélées nécessaires: en classe entière, nous avons mis en commun leurs impressions de la visite. Nous avons ensuite listé le vocabulaire des éléments indispensables à l'écriture d'un policier (la victime, le témoin, les indices...). Les élèves ont pour cela réinvesti leurs acquis de la séquence sur le policier. Puis par groupe, ils ont réfléchi à une situation initiale et ont cherché un élément perturbateur crédible. Peu à peu, séance par séance, le résumé s'est écrit. J'ai alterné les moments où je circulais dans les groupes pour les aider dans leur travail avant des mises en commun et les moments où je travaillais en classe entière pour aller plus vite. A la fin du résumé, avant de clore le travail, j'ai donné un travail d'écriture individuel aux élèves très guidé à partir duquel ils devaient imaginer la fin. Cela m'a permis de vérifier si tous les élèves avaient compris. Et tout au long de cette étape, ils demandaient à leur professeur d'histoire des éléments pour éviter les anachronismes et rendre crédible le plus possible leur nouvelle.
3) La rédaction sur le site: Le résumé a ensuite été divisé en douze, en suivant les paragraphes, les étapes du schéma narratif. Chaque binôme s'est chargé d'une partie du texte qu'il a dû enrichir et développer en écrivant sur le site du collège, dans l'espace rédaction. Au préalable, ayant le statut d'administrateur, j'ai pu créer douze auteurs (cinquieme1, cinquieme2...) qui ont tous reçu le même mot de passe, Chambord. Selon la place de la partie du texte qu'ils avaient à rédiger, les élèves recevaient le numéro d'auteur correspondant. Cela a facilité la mise en oeuvre.
Des consignes supplémentaires ont été données: réutiliser la séquence sur la description pour faire des portraits de personnages et créer une atmosphère, réutiliser le travail sur le dialogue.
4) La correction: Le travail de correction s'est fait en deux temps: chaque binôme avait la possibilité de commenter le texte d'autres binômes en utilisant la fonction " poster un message " dans l'espace rédaction.
Cette partie a pu être réalisée de manière asynchrone car les élèves ne rédigeaient pas au même rythme et les plus rapides pouvaient poursuivre le travail à la maison ou au CDI. Dans le même temps, j'ai proposé des corrections directement sur le texte des élèves en ajoutant des commentaires en gras ou en mettant des éléments entre parenthèses. J'ai donné des instructions plus générales sous forme de message.
Puis, une fois le travail de correction de chaque partie fait, grâce notamment à l'utilisation de dictionnaires en ligne affichés en " pense-bête " sur leur interface ( www.lexilogos.com/francais_langue_dictionnaires.htm), le texte intégral a été présenté aux élèves en classe entière, toujours en salle informatique: une correction collective a permis de révéler les redites et les incohérences.
5) La préparation de la deuxième rencontre: Le professeur d'histoire a validé sa partie et ensemble, nous avons aidé les élèves à rédiger des questions portant sur le château et la période de la Renaissance: cela a permis de revoir la phrase interrogative.
6) L'exploitation de la mise en ligne de la nouvelle: Enfin, une fois que la nouvelle s'est trouvée en ligne, la collègue de l'autre établissement a pu la lire, préparer ses élèves et après la deuxième rencontre, les emmener en salle informatique pour faire découvrir le texte à l'autre moitié de la classe (qui n'avaient pas suivi mes 5e).
7) L'évaluation: Dès le début du projet, les élèves ont été prévenus qu'ils allaient être évalués sur l'ensemble du travail. Pour cela, j'ai élaboré un tableau ( Fichier .doc, 70 ko) dans lequel j'ai listé des critères d'évaluation, portant sur le travail écrit comme oral, sur le savoir vivre et travailler ensemble des élèves. Régulièrement ils étaient tenus informés de mes prises de notes, cela a entretenu leur motivation. Mais, pratiquement, il est difficile de tenir correctement à jour une évaluation quasi quotidienne et difficile aussi de hiérarchiser les critères car chaque étape est intéressante.
III- Pourquoi utiliser le numérique?
Le collège a la chance d'avoir son propre site, dont l'interface est un spip. Cela permet d'avoir un espace rédaction dans lequel les élèves, à qui on donne un accès limité et règlementé (login et mot de passe), peuvent écrire des textes et lire ceux de leurs camarades.
On peut ainsi souligner les avantages de cet espace de travail:
1. Cet outil a pour principal avantage de faire gagner du temps à la classe et à l'enseignant car l'écriture fastidieuse sur brouillon est écartée.
2. De plus, les élèves peuvent commenter le travail de leurs voisins.
3. Surtout, ils ont la possibilité de continuer à travailler à la maison. En effet, contrairement au traitement de texte placé sur le réseau, l'ENT apporte une grande liberté d'utilisation puisque l'élève et l'enseignant peuvent travailler là où il y a un accès internet, que ce soit donc à la maison, au CDI ou en classe.
4. D'autre part, l'espace messagerie de l'ENT favorise les échanges argumentés entre les élèves, déjà friands de plates formes de contacts comme MSN.
5. Enfin, cela facilite l'étape de correction collective puisque le texte est lisible par l'ensemble des élèves et la correction se fait immédiatement.
IV- Les limites de la démarche
Ce projet a permis aux élèves de réinvestir des connaissances et a favorisé le travail en groupes. Il leur a aussi permis de rencontrer une classe d'un autre établissement, de s'ouvrir à d'autres et de s'appliquer soit pour comprendre le récit d'autrui, soit pour rendre attrayant et accessible leur propre travail. De plus, le défi d'écrire une nouvelle aussi riche que celle de leurs camarades les a mobilisés tout au long du projet de classe.
Mais utiliser l'ENT n'apporte pas que des avantages: il faut jouer des coudes pour occuper la salle informatique 5h par semaine environ pendant quinze jours. De plus, les élèves ne commentent pas toujours le travail de leurs camarades de façon positive: les messages peuvent devenir objets de conflits. Enfin, les élèves ont l'illusion que le correcteur orthographique est une panacée et il est difficile de les faire revenir sur leur travail.