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 Préparer la lecture analytique d'un texte sur écran: texte 2

 

 Enfance de Nathalie Sarraute.  Texte 3 pp. 31-32

 

 Avertissement important :   Ce qui suit n'est pas destiné à vous  fournir une analyse "clef en main" toute prête pour l'oral de l'EAF : c'est à vous ce jour-là de construire votre analyse. Cette page veut simplement vous aider à trouver les pistes grâce auxquelles vous pourrez répondre à la question posée par votre examinateur – question que je ne connais pas plus que vous .

 

 Avant d'analyser ce texte  il faut avoir à l'esprit quelques éléments concernant le contexte.

·         Nous avons vu dans les pages inaugurales d'Enfance  que le "double" de l'auteur semblait ironiser sur ce projet d'écrire son autobiographie (cf. l'incipit : Alors tu vas vraiment faire ça,  "évoquer tes souvenirs d'enfance"…. Comme ces mots te gênent, tu ne les aimes pas.). L'écrivain d'avant-garde, associée au Nouveau Roman  qu'a été Nathalie Sarraute regard avec méfiance ce projet  qui après deux siècles de pratiques autobiographiques a perdu tout caractère novateur. Elle se méfie donc particulièrement des clichés, du risque d'une écriture inauthentique   (du" tout cuit", donné d'avance…. cf. p.9).

·         La lecture d'Enfance vous a révélé que Nathalie  a eu un parcours affectif bouleversé : ses parents se sont séparés alors qu'elle était encore enfant, ses rapports avec sa mère ont été quelque peu chaotique, son père semble l'avoir aimée mais la présence d'une belle-mère et d'une demi-soeur  ne lui a pas facilité la vie

·         Les circonstances familiales  l'on conduite à quitter la Russie de sa petite enfance pour venir dans un pays étranger, la France. Ainsi voit-elle sans doute son pays d'origine comme un peu mythique.

 Ce contexte marque les pages que nous allons étudier.

 

 Je suis assise près de maman dans une voiture fermée tirée par un cheval, nous cahotons sur une route poussiéreuse. Je tiens le plus près possible de la fenêtre un livre de la bibliothèque rose, j'essaie de lire malgré les secousses, malgré les objurgations de maman : « Arrête-toi maintenant, ça suffit, tu t'abîmes les yeux... »[piste1] 

La ville où nous nous rendons porte le nom de Kamenetz-Podolsk. Nous y passerons l'été chez mon oncle Gricha Chatounovski, celui des frères de maman qui est avocat.

Ce vers quoi nous allons, ce qui m'attend là-bas, possède toutes les qualités qui font de « beaux souvenirs d'enfance »... de ceux que leurs posses­seurs exhibent d'ordinaire avec une certaine nuance de fierté. Et comment ne pas s'enorgueillir d'avoir eu des parents qui ont pris soin de fabriquer pour vous, de vous préparer de ces souvenirs en tout point conformes aux modèles les plus appréciés, les mieux cotés? J'avoue que j'hésite un peu...

Ça se comprend... une beauté si conforme aux modèles[piste2] . Mais après tout, pour une fois que tu as cette chance de posséder, toi aussi, de ces souvenirs, laisse-toi aller un peu, tant pis, c'est si tentant...

- Mais ils n'étaient pas faits pour moi, ils m'étaient juste prêtés, je n'ai pu en goûter que des parcelles...

- C'est peut-être ce qui les a rendus plus intenses... Pas d'affadissement possible. Aucune accoutumance...

- Oh pour ça non. Tout a conservé son exquise perfection : la vaste maison familiale pleine de recoins, de petits escaliers... la « salle », comme on les appelait dans les maisons de la vieille Russie, avec un grand piano à queue, des glaces partout, des parquets luisants, et tout le long des murs des chaises couvertes de housses blanches... La longue table de la salle à manger où à chacun des bouts sont assis, se faisant face, se parlant de loin, se  souriant, le père et la mère, entre leurs quatre enfants, deux garçons et deux filles[piste3] ... Après le dessert, quand ma tante a donné aux enfants la permission de sortir de table, ils s'approchent de leurs parents pour les remercier, ils leur baisent la main et ils reçoivent sur la tête, sur la joue un baiser[piste4] .. J'aime prendre part aussi à cette amusante cérémonie.[piste5] 

[piste6] 

© Éditions Gallimard 1983 Folio pp 31 32 ; ce texte est inséré au nom du droit de citation dans le cadre d'un cours

  Si vous avez lu attentivement le texte et si vous avez essayé de répondre aux questions, vous avez les éléments pour répondre à une question en analysant le texte.  Voici une question possible

 

Quel traitement Nathalie Sarraute  réserve-t-elle  dans ce texte à un souvenir très caractéristique?

 Trois axes pour structurer la réponse : à vous d'étayer ce canevas. Voir plus haut.

 

·         La perfection d'un souvenir : la Russie des origines  " Tout a conservé son exquise perfection"…..

·         La lucidité méfiante de l'écrivain  qui craint de tomber dans les clichés de "de ces souvenirs en tout point conformes aux modèles les plus appréciés, les mieux cotés"….

·         Le sentiment de n'être pas tout à fait  intégrée à l'harmonie générale ressenti par l'enfant de parents divorcés ils n'étaient pas faits pour moi, ils m'étaient juste prêtés  …..

 


 [piste1] L'évocation de cette période de vacance commence par l'"irruption" d'une image précise" puis le récit va prendre une tournure plus générale. Quel est l'intérêt des précisions données dans ce paragraphe et quel est selon vous le lien avec la suite (outre qu'il s'agit du trajet vers le lieu qui est évoqué)? Avant de répondre soyez attentifs aux expressions surlignées en bleu–vert

 [piste2] Que nous indiquent les expressions surlignées en jaune? Pour répondre, soyez attentifs au fait que  l'expression "beaux souvenirs d'enfance" est entre guillemets

 [piste3] Comment la petite fille dont les parents  sont désunis peut-elle réagir devant ce tableau idyllique?

 [piste4] Mettez ce passage en rapport avec le début du texte. Qu'en concluez-vous?

 [piste5] Peut-elle en être une actrice à part entière?

 [piste6]Quelle remarque peut-on  faire sur la manière dont N.S qualifie cette scène familiale?